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Med Sci (Paris)
Volume 35, Numéro 3, Mars 2019
Nos jeunes pousses ont du talent !
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Page(s) | 271 - 274 | |
Section | Partenariat médecine/sciences - Écoles doctorales - Masters | |
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Publié en ligne | 1 avril 2019 |
Régulation du métabolisme lipidique par les hormones thyroïdiennes
Rôle de l’hypothalamus
Regulation of lipid metabolism by thyroid hormones: role of hypothalamus
Catherine Hottin1, Bastien Simoneau1 et Hervé Le Stunff2
1
M1 Biologie Santé, Université Paris-Saclay, 91405 Orsay, France
2
Équipe neuroendocrinologie moléculaire de la prise alimentaire, Université Paris-Sud, CNRS UMR 9197, Institut des neurosciences Paris-Saclay (Neuro-PSI) - CNRS UMR 9197, Orsay, France
Pour la troisième année, dans le cadre du module d’enseignement « Physiopathologie de la signalisation » proposé par l’université Paris-sud, les étudiants du Master « Biologie Santé » de l’université Paris-Saclay se sont confrontés à l’écriture scientifique. Ils ont sélectionné 8 articles scientifiques récents dans le domaine de la signalisation cellulaire présentant des résultats originaux, via des approches expérimentales variées, sur des thèmes allant des relations hôte-pathogène aux innovations thérapeutiques, en passant par la signalisation hépatique et le métabolisme. Après un travail préparatoire réalisé avec l’équipe pédagogique, les étudiants, organisés en binômes, ont ensuite rédigé, guidés par des chercheurs, une Nouvelle soulignant les résultats majeurs et l’originalité de l’article étudié. Ils ont beaucoup apprécié cette initiation à l’écriture d’articles scientifiques et, comme vous pourrez le lire, se sont investis dans ce travail avec enthousiasme ! Deux de ces Nouvelles sont publiées dans ce numéro, les autres l’ont été dans les numéros précédents.
© 2019 médecine/sciences – Inserm
Série coordonnée par Laure Coulombel.Équipe pédagogique
Karim Benihoud (professeur, université Paris-Sud) Sophie Dupré (maître de conférences, université Paris-Sud) Olivier Guittet (maître de conférences, université Paris-Sud) Hervé Le Stunff (professeur, université Paris-Sud)
L’obésité est un problème de santé majeur : selon l’Organisation mondiale de la santé, en 2016, il y avait plus d’1,9 milliard d’adultes en surpoids dans le monde, dont 650 millions considérés comme obèses [1]. L’obésité est due à une dérégulation de l’homéostasie énergétique qui favorise le développement du diabète de type 2. Les hormones thyroïdiennes jouent un rôle important dans la régulation de l’homéostasie énergétique : ainsi, un défaut de synthèse des hormones thyroïdiennes conduit à l’hyperphagie alors que l’hyperthyroïdisme est associé à une perte de poids [2]. Ces observations ont permis le développement de molécules mimétiques des hormones thyroïdiennes afin de lutter contre l’obésité. Bien que les effets de ces hormones aient été attribués à leur action sur les tissus périphériques, cette action peut être aussi indirecte et impliquer le système nerveux autonome (SNA) [3]. En effet, il a été montré que l’action hypothalamique des hormones thyroïdiennes était associée à une amélioration de la sensibilité à l’insuline des tissus périphériques [4]. Pour clarifier ce rôle, une récente étude du groupe de Miguel Lopez publiée dans Cell Metabolism [5] a déterminé si l’action centrale des hormones thyroïdiennes s’exerçait au niveau de l’hypothalamus - contribuant ainsi à l’homéostasie énergétique -, et se traduisait aussi sur les tissus périphériques via une voie de communication entre le système nerveux central (SNC) et les tissus périphériques.
L’action centrale des hormones thyroïdiennes affecte la régulation du métabolisme lipidique périphérique par l’intermédiaire du système nerveux autonome
Ces chercheurs ont montré que l’injection intra-cérébro-ventriculaire d’hormones thyroïdiennes entraîne une stimulation de la lipogenèse hépatique. Elle le fait entre autres via l’augmentation de l’expression de la diacylglycérol-O-acyl-transférase 1 (DGAT1) qui catalyse la transformation du DAG en triglycérides [5]. Ces hormones induisent également une augmentation de la thermogenèse dans le tissu adipeux brun en agissant sur l’augmentation de l’expression de la protéine découplante UCP1 (uncoupling protein) et sur la taille des mitochondries. Il en résulte une augmentation de la dépense d’énergie et une diminution du quotient respiratoire, ce qui suggère la stimulation du métabolisme des lipides via leur oxydation par le tissu adipeux brun. Par ailleurs, les hormones thyroïdiennes favorisent l’entrée des acides gras dans le foie et le tissu adipeux brun, permettant ainsi l’augmentation de la thermogenèse (Figure 1). Dans le SNC, ces hormones agissent au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus pour réguler la prise de poids [6]. Plus récemment, le noyau ventro-médian de l’hypothalamus (VMH) a également été impliqué dans le contrôle de l’homéostasie glucidique [4]. Il s’avère que c’est par l’intermédiaire de ce noyau que les hormones thyroïdiennes agissent sur le métabolisme lipidique périphérique. En effet, le traitement de cette zone par les hormones thyroïdiennes reproduit les effets observés lors de leur injection par voie intra-cérébro-ventriculaire.
Figure 1. Régulation du métabolisme lipidique périphérique par l’action des hormones thyroïdiennes au niveau de l’hypothalamus. L’injection d’hormones thyroïdiennes (T3) au niveau de l’hypothalamus stimule la lipogenèse hépatique et la thermogenèse du tissu adipeux brun. La stimulation de la synthèse des lipides hépatiques se fait par l’intermédiaire du nerf vague du système nerveux parasympathique. Cela provoque une augmentation de l’expression d’ARNm codant DGAT1, qui catalyse la transformation du DAG en triglycérides. Au contraire, la T3 agit sur le tissu adipeux brun via le système nerveux sympathique ce qui conduit à une absorption accrue de glucose et de lipides et à une augmentation de l’activité mitochondriale. Ceci est associé à l’augmentation de l’expression d’ARNm codant pour UCP1 qui stimule la thermogenèse qui est alimentée par les triglycérides provenant du foie. Au final, cette thermogenèse permet une augmentation de la dépense énergétique qui entraînera une perte de poids. AMPK : AMP-activated protein kinase ; DAG : diacylglycérol ; DGAT1 : diacylglycérol O-acyl-transférase 1 ; SNPS : système nerveux parasympathique ; SNS : système nerveux sympathique ; T3 : triiodothyronine ; TG : triglycérides ; UCP1 : uncoupling protein 1. |
Les hormones thyroïdiennes agissent au niveau central en inhibant l’AMPK hypothalamique
Historiquement, la voie AMPK (AMP-activated protein kinase) est connue pour réguler le métabolisme lipidique et relayer les effets centraux des hormones thyroïdiennes sur la thermogenèse [3]. L’expression d’un dominant négatif de l’AMPK dans le noyau ventro-médian reproduit les effets des hormones thyroïdiennes, suggérant que l’inhibition de l’AMPK relaye l’action de ces hormones dans l’hypothalamus. Cette déduction est confortée par le groupe de Miguel Lopez qui a montré que la surexpression d’une forme constitutivement active de l’AMPKα dans le noyau ventro-médian inhibe les effets des hormones thyroïdiennes au niveau du foie et du tissu adipeux brun. On sait que, dans le noyau central, les neurones exprimant le facteur stéroïdogénique 1 (SF11) jouent un rôle dans la régulation du métabolisme [7]. De façon intéressante, les auteurs ont montré qu’une délétion spécifique de la voie AMPK dans ces neurones SF1 reproduit les effets centraux des hormones thyroïdiennes. Ces résultats suggèrent que ces hormones contrôlent le métabolisme lipidique via l’inhibition de l’AMPKα 1 dans les neurones SF1.
Les hormones thyroïdiennes activent la thermogenèse dans le tissu adipeux brun en inhibant le stress du réticulum endoplasmique hypothalamique
Comme l’AMPKα a un rôle dans la régulation du métabolisme lipidique, les auteurs ont déterminé l’impact de l’inhibition de l’AMPK par les hormones thyroïdiennes sur les lipides présents dans l’hypothalamus [8]. Si le taux de la plupart des lipides est augmenté en réponse aux hormones thyroïdiennes, en revanche, celui des céramides est diminué. Or, les céramides exercent une lipotoxicité hypothalamique par leur induction d’un stress du réticulum endoplasmique (RE), avec comme conséquence une prise de poids [9]. De ce fait, la diminution du taux de céramides en réponse aux hormones thyroïdiennes est associée à une baisse du stress du RE, se traduisant par une diminution des protéines UPR (unfolded protein response) et une augmentation de GRP78 (glucose-regulated protein 78, une chaperone de la famille des heat shock protein) (Figure 2). Par ailleurs, la surexpression de l’AMPKα dans le noyau ventro-médian empêche l’inhibition du stress du RE par les hormones thyroïdiennes. Il apparaît ainsi que celles-ci stimulent la thermogenèse du tissu adipeux brun par leur fonction d’inhibition de la synthèse des céramides et du stress du RE au niveau hypothalamique.
Figure 2. Action centrale des hormones thyroïdiennes sur la régulation du métabolisme lipidique. Les hormones thyroïdiennes (T3) se fixent sur leurs récepteurs (TR) dans les neurones SF1 présents dans le noyau hypothalamique ventro-médian (VMH). Ceci entraine une inhibition de l’AMPKα spécifiquement dans ces neurones. Cette inhibition entraine la stimulation de la voie JNK1 qui conduit à la stimulation de la lipogenèse hépatique par l’intermédiaire du nerf vague (SNPS). L’inhibition de l’AMPKα entraîne également une diminution du stress du RE en abaissant les taux de céramides, de protéines UPR et une augmentation de la protéine GRP78. L’inhibition du stress du RE conduit, via l’activation du SNS, à la stimulation de la thermogenèse au niveau du tissu adipeux brun. AMPK : AMP-activated protein kinase ; GRP78 : glucose-regulated protein 78 Kda ; JNK1 : c-Jun N-terminal kinase 1 ; RE : réticulum endoplasmique ; SF1 : steroidogenic factor 1 ; SNPS : système nerveux parasympathique ; SNS : système nerveux sympathique ; T3 : triiodothyronine ; UPR : unfolded protein response ; VMH : noyau hypothalamique ventromédian. |
Les hormones thyroïdiennes stimulent la lipogenèse hépatique via l’activation de la voie JNK1 hypothalamique
Au niveau de l’hypothalamus, la voie c-Jun N-terminal kinase 1 (JNK1) est connue pour son rôle dans la régulation du métabolisme glucidique et de la prise alimentaire [10]. En réponse à l’injection d’hormones thyroïdiennes dans le noyau ventro-médian, les auteurs observent une augmentation de la forme active et phosphorylée de JNK (pJNK). Des résultats similaires sont obtenus dans l’hypothalamus des souris dont les neurones SF1 n’expriment pas l’AMPK, suggérant un rôle inhibiteur de l’AMPKα sur l’activation de la voie JNK. De façon intéressante, l’inhibition pharmacologique ou génétique de JNK1 empêche la stimulation de la lipogenèse hépatique par les hormones thyroïdiennes. Ainsi, c’est par le contrôle de la voie JNK1 au niveau hypothalamique que ces hormones activent la lipogenèse hépatique (Figure 2).
Conclusions et perspectives
N. Martínez-Sánchez et al. ont montré que les hormones thyroïdiennes régulent le métabolisme lipidique par une action au niveau des neurones SF1 du noyau ventro-médian dans le SNC [5]. Cette action centrale entraine une baisse d’AMPKα avec deux conséquences au niveau de l’hypothalamus : l’une sur la voie des céramides et du stress du RE, l’autre sur celle de la protéine JNK1. L’inhibition de l’axe céramide-stress du RE conduit à l’activation de la thermogenèse dans le tissu adipeux brun, et l’activation de la voie JNK1 stimule la lipogenèse hépatique. Or, la thermogenèse est fortement dépendante de la synthèse lipidique hépatique [11]. Ces résultats suggèrent donc que les hormones thyroïdiennes améliorent les capacités métaboliques de ces tissus, ce qui entraîne une perte de poids sans modification de la prise alimentaire. Il reste néanmoins à identifier les mécanismes moléculaires conduisant à l’inhibition de la signalisation AMPK par les hormones thyroïdiennes et la régulation de l’activité neuronale par l’axe céramides-stress du RE. Il est possible que les hormones thyroïdiennes altèrent les contacts entre le réticulum et les mitochondries, connus pour moduler l’activité neuronale [12]. L’étude du groupe de Miguel Lopez révèle ainsi le rôle clé du cerveau comme médiateur majeur des effets des hormones thyroïdiennes ; cette intervention au niveau central aux dépens d’une vision périphérique de leur action pourrait avoir des conséquences pour le traitement de l’obésité et des pathologies associées.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références
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- Mullur R, Liu YY, Brent GA. Thyroid hormone regulation of metabolism. Physiol Rev 2014 ; 94 : 355–382.
- Lopez M, Varela L, Vazquez MJ, et al. Hypothalamic AMPK and fatty acid metabolism mediate thyroid regulation of energy balance. Nat Med 2010 ; 16 : 1001–1008.
- Fliers E, Klieverik LP, Kalsbeek A. Novel neural pathways for metabolic effects of thyroid hormone. Trends Endocrinol Metab 2010 ; 21 : 230–236.
- Martínez-Sánchez N, Seoane-Collazo P, Contreras C, et al. Hypothalamic AMPK-ER stress-JNK1 axis mediates the central actions of thyroid hormones on energy balance. Cell Metab 2017 ; 26 : 212–229.
- Varela L, Martınez-Sanchez N, Gallego R, et al. Hypothalamic mTOR pathway mediates thyroid hormone-induced hyperphagia in hyperthyroidism. J Pathol 2012 ; 227 : 209–222.
- Dhillon H, Zigman JM, Ye C, et al. Leptin directly activates SF1 neurons in the VMH, and this action by leptin is required for normal body-weight homeostasis. Neuron 2006 ; 49 : 191–203.
- Lopez M, Nogueiras R, Tena-Sempere M, Diéguez C. Hypothalamic AMPK: a canonical regulator of whole-body energy balance. Nat Rev Endocrinol 2016 ; 12 : 421–432.
- Contreras C, Gonzalez-Garcıa I, Martınez-Sanchez N, et al. Central ceramide-induced hypothalamic lipotoxicity and ER stress regulate energy balance. Cell Rep 2014 ; 9 : 366–377.
- Tsaousidou E, Paeger L, Belgardt BF, et al. Distinct roles for JNK and IKK activation in agouti-related peptide neurons in the development of obesity and insulin resistance. Cell Rep 2014 ; 9 : 1495–1506.
- Bartelt A, Bruns OT, Reimer R, et al. Brown adipose tissue activity controls triglyceride clearance. Nat Med 2011 ; 17 : 200–205.
- Dietrich MO, Liu ZW, Horvath TL. Mitochondrial dynamics controlled by mitofusins regulate Agrp neuronal activity and diet-induced obesity. Cell 2013 ; 155 : 188–199.
Liste des figures
Figure 1. Régulation du métabolisme lipidique périphérique par l’action des hormones thyroïdiennes au niveau de l’hypothalamus. L’injection d’hormones thyroïdiennes (T3) au niveau de l’hypothalamus stimule la lipogenèse hépatique et la thermogenèse du tissu adipeux brun. La stimulation de la synthèse des lipides hépatiques se fait par l’intermédiaire du nerf vague du système nerveux parasympathique. Cela provoque une augmentation de l’expression d’ARNm codant DGAT1, qui catalyse la transformation du DAG en triglycérides. Au contraire, la T3 agit sur le tissu adipeux brun via le système nerveux sympathique ce qui conduit à une absorption accrue de glucose et de lipides et à une augmentation de l’activité mitochondriale. Ceci est associé à l’augmentation de l’expression d’ARNm codant pour UCP1 qui stimule la thermogenèse qui est alimentée par les triglycérides provenant du foie. Au final, cette thermogenèse permet une augmentation de la dépense énergétique qui entraînera une perte de poids. AMPK : AMP-activated protein kinase ; DAG : diacylglycérol ; DGAT1 : diacylglycérol O-acyl-transférase 1 ; SNPS : système nerveux parasympathique ; SNS : système nerveux sympathique ; T3 : triiodothyronine ; TG : triglycérides ; UCP1 : uncoupling protein 1. |
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Figure 2. Action centrale des hormones thyroïdiennes sur la régulation du métabolisme lipidique. Les hormones thyroïdiennes (T3) se fixent sur leurs récepteurs (TR) dans les neurones SF1 présents dans le noyau hypothalamique ventro-médian (VMH). Ceci entraine une inhibition de l’AMPKα spécifiquement dans ces neurones. Cette inhibition entraine la stimulation de la voie JNK1 qui conduit à la stimulation de la lipogenèse hépatique par l’intermédiaire du nerf vague (SNPS). L’inhibition de l’AMPKα entraîne également une diminution du stress du RE en abaissant les taux de céramides, de protéines UPR et une augmentation de la protéine GRP78. L’inhibition du stress du RE conduit, via l’activation du SNS, à la stimulation de la thermogenèse au niveau du tissu adipeux brun. AMPK : AMP-activated protein kinase ; GRP78 : glucose-regulated protein 78 Kda ; JNK1 : c-Jun N-terminal kinase 1 ; RE : réticulum endoplasmique ; SF1 : steroidogenic factor 1 ; SNPS : système nerveux parasympathique ; SNS : système nerveux sympathique ; T3 : triiodothyronine ; UPR : unfolded protein response ; VMH : noyau hypothalamique ventromédian. |
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